‘Les salariés participent aux décisions sur les investissements et sur les recrutements’ – HRmagazine (Janvier ’22)

« Plus les employés prennent des décisions de manière autonome, plus ils sont impliqués et plus ils se sentent concernés par l’entreprise. »

Une transparence radicale. Un modèle de collaboration qui permet aux salariés de participer aux décisions sur les investissements et sur les recrutements. Ce sont les piliers de la stratégie RH de Thijs Claes, CEO de l’imprimerie Daddy Kate. «Notre volonté est de stimuler l’engagement.»

Daddy Kate a été fondé en 1978 par le père de Thijs Claes. Ce dernier est entré dans cette imprimerie en 2009 et en est devenu le patron en 2013. Il est un fervent partisan du modèle de collaboration participative, inspiré par l’homme d’affaires brésilien Ricardo Semler, pour qui l’engagement des salariés est le facteur clé de la réussite d’une entreprise. «Quand j’ai lu son livre, j’ai été abasourdi», dit Thijs Claes. Ricardo Semler appartient, lui aussi, à la deuxième génération de l’entreprise créée par son père. «Il a réalisé ce qui correspondait à mes idées sans que je ne sois capable de les formuler clairement. Ses principes sont simples à appliquer: il suffit de prendre de la distance par rapport à certaines structures, à certains processus et à certains flux qui ne brillent pas par leur performance. La transparence est un élément central. Si vous êtes transparent à tous les niveaux, vous ne pourrez plus conserver certains processus parce que tout le monde sait qu’ils ne sont pas efficaces. Vous perdez ainsi moins de temps dans les petits jeux politiques qui réclament beaucoup d’énergie de la part d’une organisation.»

TOUT DIRE

Chaque mois, Thijs Claes réalise une vidéo de quinze minutes sur les résultats de l’entreprise et la partage avec tous les salariés. «Ils connaissent ainsi la situation financière de la société et les clients importants que nous avons acquis ou perdus. Parce qu’ils reçoivent ces informations, nos collaborateurs sont davantage impliqués et sont associés à la réflexion sur les opérations, bonnes ou mauvaises, du mois précédent. À la fin de l’année, nous distribuons équitablement 20% de nos bénéfices à tout notre personnel.»

En plus des résultats, l’entreprise diffuse les rapports de toutes les réunions. Ce qui se fait par le biais de Speakap, une sorte de Facebook interne. «Parfois, la transparence est dure et directe mais nous n’avons pas de secret les uns pour les autres.»

Les salariés n’ont pas seulement droit à une part des bénéfices, ils sont aussi impliqués dans les investissements et les décisions fondamentales. «Tout ce que nous faisons doit contribuer à rendre notre entreprise plus forte qu’elle ne l’était hier. Plus les salariés prennent des décisions de façon autonome, plus ils seront impliqués et plus ils se sentiront copropriétaires de l’entreprise. Ce qui consolide notre organisation et préserve notre vision à long terme. C’est notre motivation principale: renforcer notre organisation, conserver sa particularité, ceci pour continuer à exister.»

De nombreux exemples concrets montrent comment fonctionne ce modèle de collaboration participative. Quand l’entreprise a voulu investir dans une nouvelle machine, toute l’équipe a été associée à la procédure d’achat. «Dans la plupart des entreprises, le CEO, le responsable des achats et un expert se réunissent pour trancher. Nous voulons que les salariés soutiennent l’investissement. Nous avons dès lors embarqué douze collaborateurs aux Pays-Bas pour y vérifier qu’une machine répondait bien à nos besoins.»

RECRUTEMENTS PAR LES SALARIES

Mais dans les recrutements aussi, l’avis des salariés est sollicité. Cette approche rebute de nombreuses organisations. «Si nous manquons de flexibilité ou si nous constatons que les salariés font trop d’heures supplémentaires, le management propose d’engager un renfort», explique Thijs Claes. «Nous avons déjà été surpris de voir que nos salariés étaient réticents à embaucher de nouveaux collègues. Pour quelle raison? Parce qu’ils mettent la barre très haut et qu’il n’est pas facile de trouver des travailleurs qui répondront à leurs attentes. Souvent, ils serrent les dents jusqu’à ce que la situation ne soit plus supportable. À ce moment-là, c’est peut-être un peu plus long, mais nous savons alors que nous aurons l’approbation de tous.»

Le management accompagne le processus et élabore avec les travailleurs l’offre d’emploi en posant des questions sur la fonction du nouveau collègue, sa connaissance des langues, ses capacités techniques et son expérience. «Nous passons les candidatures en revue et nous sélectionnons ensemble ceux qui seront invités à un entretien. Si le premier contact est positif, nous nous mettons d’accord sur la façon de tester le candidat: ses connaissances techniques, sa résistance au stress ou une combinaison des deux. Enfin, nous examinons si la personne nous convient. Nous suivons ce processus de près parce que la réponse standard est souvent négative. Nous expliquons alors que notre réserve de recrutement n’est pas si étendue et que nous devons moduler nos attentes. Mais nous ne prenons aucune décision qui ne serait pas appuyée par les salariés. Si quelqu’un est convaincu qu’il ne faut pas engager la personne concernée en présentant des arguments sérieux, nous ne l’embauchons pas. En principe, chacun a un droit de veto

LE SOMMET NE S’EN MELE PAS

Daddy Kate est divisé en douze équipes. «Nous essayons de prendre chaque décision au niveau le plus bas possible dans l’organisation», assure Thijs Claes. «Mais nous n’appliquons pas systématiquement ce principe dans chaque équipe. Certaines sont plus avancées que d’autres, par exemple parce que ses membres travaillent chez nous depuis une vingtaine d’années et qu’ils connaissent mieux l’organisation que des équipes plus jeunes. Et certains salariés sont plus mûrs que d’autres.»

On trouve donc des équipes qui sont capables d’organiser leurs vacances sans immixtion de la direction, alors que d’autres reconnaissent qu’elles ne sont pas encore prêtes à atteindre cet objectif de commun accord. «De nombreuses entreprises se trompent en voulant imposer une certaine philosophie à toute leur organisation. Il est préférable de miser sur des avancées progressives. Si une expérience réussit, on peut la transposer graduellement dans d’autres équipes.»

Une expérience positive a été la désignation de l’encadrement par la base. «Nos collaborateurs décident eux-mêmes qui deviendra le responsable de leur équipe et qui pourra les représenter devant la direction», explique Thijs Claes. «Dans de nombreuses entreprises, c’est le CEO qui fixe ces règles, mais nous avons inversé le processus depuis quelques années, en partant cependant de la structure qui existait alors. Nous avons obtenu ainsi une dynamique très différente. Nous avons vu émerger des salariés totalement inattendus dans les équipes de management. Au niveau individuel, nous sommes peut-être un peu moins bons parce que nous ne cherchons pas de profils hautement qualifiés, mais collectivement, nous sommes beaucoup plus forts. Très récemment, nous avons constaté que devenir chef d’équipe est une étape trop difficile pour certains, surtout pour les ouvriers. Nous avons dès lors lancé la fonction de capitaine à titre expérimental. Par analogie avec le sport, ce titre se situe dans le prolongement du coach, mais reste ancré sur le terrain. Nous sommes curieux de voir comment cela va évoluer.»

L’un des points d’attention est de faire mieux travailler les équipes ensemble. Raison pour laquelle Daddy Kate organise au moins quatre réunions par an où l’on aborde les problèmes. «Nous saisissons cette occasion pour réfléchir aux moyens de résoudre les difficultés. À nouveau, nous posons la question: quelle est pour vous la meilleure manière d’aborder les choses? Au début, les délégués des équipes avaient la tentation de défendre leur propre clan mais après quelques réunions, ils se rendent compte que c’est ensemble que nous devons trouver des solutions.»

 

Source: https://hrmagazine.be/fr/posts/gestion-collaborative-les-salaries-participent-aux-decisions-rh

No Comments

Sorry, the comment form is closed at this time.

x

Daddy Kate dans la presse

En savoir plus